Date de publication : mardi, Fév 23

Interview accordée par le président de la BOAD, M. Serge EKUE

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Retrouvez dans le 3ème numéro de LA TENDANCE, une interview accordée par le Président de la BOAD, M. Serge EKUÉ, dans laquelle il partage son point de vue sur les défis du marché financier regional, les priorités de son institution ainsi que la resilience du Marché des Titres Publics.

Pouvez-vous présenter Serge EKUE, Président de la BOAD à nos lecteurs ?  

J’ai été nommé le 18 août 2020 par le Conseil des Ministres de l’UMOA, après avis favorable de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’UMOA, pour un mandat de 6 ans. Ma prise de fonctions a été effective le 28 août 2020. 

Avant mon arrivée à la BOAD, je dirigeais depuis 2016, les activités de Banque de Financement et d’Investissement (BFI) de Natixis pour le Royaume Uni à Londres. Je cumulais cette responsabilité avec celle des Solutions de Marchés pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique (EMEA), et j’avais parallèlement la responsabilité des Départements Afrique et Russie de Natixis.

J’ai par ailleurs eu l’opportunité de diriger l’entité en charge des Activités de Marchés de Natixis pour la zone Asie-Pacifique pendant près de six ans, entre 2010 et 2016, avant d’assumer la Direction Générale de la banque basée à Hong-Kong. C’est donc fort d’une expérience d’une vingtaine d’années dans la finance internationale, les financements structurés et de marchés que j’arrive à la tête de la BOAD, notre Institution communautaire de financement du développement. 

Je suis de nationalité béninoise et titulaire d’un Exécutif MBA d’HEC Paris, d’un DESS Banque-Finance de Paris V, et d’un diplôme de l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux.

M. EKUE, vous avez été porté à la tête de la Présidence de la BOAD en août 2020, quelles sont les priorités de votre mandat ? 

Les économies de l’UEMOA sont confrontées à d’importants défis de développement. Notre mission est de les aider à y faire face en soutenant les différents programmes d’investissement tant nationaux que régionaux et les projets privés porteurs de croissance et créateurs d’emplois. Il s’agit pour nous de mobiliser tout le potentiel de l’Institution afin de maximiser l’impact de nos interventions sur la préservation et la création d’emplois, l’intégration ainsi que la transformation structurelle de notre sous-région. Cette ambition est inscrite dans notre plan stratégique 2021-2025, dénommé « Plan Djoliba », présenté en Conseil d’Administration puis adopté par le Conseil des Ministres de l’UMOA en septembre 2020.

Afin de répondre de façon adaptée aux besoins croissants d’investissement, surtout dans le contexte actuel marqué par la crise sanitaire de la COVID-19, notre mandat accordera une grande priorité au renforcement des capitaux propres de la Banque afin d’améliorer davantage l’adéquation de nos fonds propres et de renforcer notre capacité d’endettement. Cela nous semble fondamental si nous voulons préserver voire améliorer notre notation financière « Investment grade » et lever plus de ressources sur le marché financier international à des conditions compétitives au profit de la relance de nos économies. 

Par ailleurs, nous continuerons de focaliser nos activités sur cinq secteurs clés que sont l’énergie, les infrastructures (y compris les TIC), l’agriculture et la sécurité alimentaire, la santé et l’éducation et l’immobilier, en particulier l’habitat social et les Infrastructures hôtelières de qualité. L’accent sera mis sur la couverture adéquate, notamment via le système financier local, des besoins de financements des micros, petites et moyennes entreprises (MPME) pour diversifier le tissu économique et créer des emplois.

 

De par votre profil et votre carrière professionnelle, vous êtes un homme de marchés donc pas étranger aux défis du Marché Financier de la sous-région. Pouvez-vous partager avec nous quelques-uns de ces défis et la position de la BOAD face à eux ? 

Le marché financier régional est en expansion. Au 30 novembre 2020, il affiche une capitalisation boursière de 9 650,12 milliards FCFA, en hausse de 7,54% par rapport à fin 2019. En dépit de cette évolution favorable, de nombreux défis restent à relever, dont les plus urgents sont notamment les réformes nécessaires pour permettre à la bourse de jouer pleinement son rôle au service des économies de notre Union. Il s’agit de l’élargissement de la base d’investisseurs, du développement du marché secondaire, de l’émission de nouveaux produits, de l’harmonisation de la fiscalité ainsi que de l’utilisation de plus en plus accrue des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dans les activités financières et de marchés.

S’agissant de l’élargissement de la base d’investisseurs, il est important de travailler au développement et à la promotion de la culture boursière au sein de l’Union et d’attirer de nouveaux investisseurs sur notre marché. A ce sujet, des réflexions en cours, conjointement avec UMOA-Titres, afin de favoriser l’arrivée de nouveaux investisseurs, notamment ceux hors zones, sur notre marché.

L’attractivité et l’euroclearabilité des titres stimuleront la concurrence. Ces éléments seront de nature à faire baisser les taux servis.

Cette initiative permettra également le développement du marché secondaire, en offrant aux investisseurs locaux la possibilité de négocier des instruments financiers avec un plus large éventail d’investisseurs, notamment internationaux. 

L’allongement de la maturité des emprunts obligataires pourraient ouvrir la voie à l’émission de « Project bonds ».

Pour ce qui est de l’utilisation des NTIC, je me réjouis de l’opérationnalisation en septembre 2020 des services de bourse en ligne qui constituent une avancée majeure sur notre marché. Cette innovation devrait permettre d’accroître la fluidité des transactions tout en réduisant les coûts y afférents. Toutefois, des efforts doivent être poursuivis en vue d’une vulgarisation de cet outil. 

En ce qui concerne la BOAD, elle continuera de jouer un rôle structurant pour le développement du marché régional de capitaux en raison de sa mission dans le financement à long terme des États et du secteur marchand pour une création de richesse plus accrue au sein de l’UEMOA. 

 

Nous savons que vous êtes membres du Conseil d’Orientation de UMOA-Titres (premier organe de gouvernance de l’Institution) au même titre que les Directeurs Généraux des Trésors des États de l’UEMOA et le Gouverneur de la BCEAO. Quelles sont les relations qu’entretiennent la Banque Ouest Africaine de Développement et UMOA-Titres ?  

La BOAD est membre du Conseil d’Orientation de UMOA-Titres depuis sa création. A ce titre, elle prend une part active à ses travaux et partage son expérience des marchés financiers. Les deux institutions collaborent depuis plusieurs années sur divers sujets relatifs aux activités de marché, notamment la courbe de taux et la question des émissions offshore en francs CFA.

 

La crise sanitaire liée à la COVID-19 a mis à mal plusieurs économies du monde, celles des pays de la sous-région y compris. En tant qu’expert des marchés des capitaux et Président de la BOAD, quelles pistes de solution proposez-vous, afin de redynamiser les économies de la sous-région ?  

La crise sanitaire, de par les mesures de confinement, a sévèrement affecté les économies en Afrique de l’Ouest, en particulier dans la zone UEMOA. Les dernières estimations, du fait de la crise sanitaire, tablent sur un taux de croissance nettement revu à la baisse de 0,7% en 2020 contre 5,9% en 2019. 

Je voudrais rappeler que très vite les institutions communautaires ont réagi pour aider les États membres à faire face à la crise. La BOAD, pour sa part, a décaissé en urgence 200 milliards FCFA de prêts à taux bonifiés au profit des États membres et a mis en place un programme de 100 milliards FCFA de lignes de crédit en faveur des banques pour refinancer les MPME et les institutions de microfinance (IMF). Les efforts déjà engagés vont se poursuivre pour soutenir la relance économique. Trois principales actions nous semblent nécessaires pour redynamiser les économies de la zone, à savoir :

  • Renforcer la mobilisation de ressources, notamment en diversifiant les sources et en améliorant la collecte des recettes fiscales et l’accès aux marchés financiers internationaux ;
  • Poursuivre et renforcer le soutien au système financier, notamment aux banques et aux IMF afin qu’elles répondent convenablement aux besoins d’investissement et de trésorerie des entreprises, surtout des MPME (formelles et informelles) qui constituent l’essentiel du tissu industriel ;
  • Appuyer la mise en œuvre des plans de riposte et de relance tout en veillant au renforcement de l’efficience des dépenses d’investissement et à la prise en compte des besoins de base des couches les plus vulnérables, notamment les jeunes et les femmes. Ces dépenses d’investissement devraient également servir de levier pour mobiliser plus de ressources au profit du secteur privé. Une attention particulière devrait être accordée aux secteurs économiques les plus affectés par la crise sanitaire (tourisme, transport, restauration, etc.).

 

Dans le cadre de la relance économique des États de la zone UEMOA, la BCEAO en collaboration avec UMOA-Titres a mis en œuvre un programme de Bons Social COVID-19 dans le but de faire face aux besoins immédiats de trésorerie induits par cette pandémie. Comment appréciez-vous cette initiative ? 

Il y a lieu de féliciter la BCEAO et l’Agence UMOA-Titres pour les dispositions prises en vue d’appuyer les États membres dans la mobilisation de ressources financières à faible coût sur le marché financier régional. Cette initiative est à saluer et à encourager dans la mesure où elle a permis de mobiliser les ressources domestiques (notamment l’épargne dans la zone) au service de nos économies. En effet, les États ont pu émettre des bons du Trésor dénommés « Bons Covid ». Les financements mis en place les ont aidé à faire face aux dépenses urgentes et soutenir les économies.

 

Le Marché des Titres Publics a su faire preuve de résilience en cette période de pandémie et mobilise des fonds de plus en plus importants. De 2014 à 2019, le volume annuel des émissions de titres publics en faveur des États est passé de 2 516 à 3 420 milliards de F CFA. Pour l’année 2020, on se dirige vers plus de 5 000 milliards de FCFA (Hors Bons COVID19). Tout ceci, témoigne du dynamisme de ce marché. Quelle appréciation faites-vous de l’évolution du Marché des Titres Publics de l’UEMOA et quelles recommandations faites-vous aux acteurs de ce marché ? 

Comme vous l’avez relevé, le marché des titres publics (MTP) est en plein essor avec une forte croissance de la dette souveraine. C’est le lieu pour moi de féliciter UMOA-Titres pour son dynamisme et son professionnalisme qui ont permis de gérer efficacement le planning des émissions au bénéfice des huit États de l’Union. Les fonds levés ont permis à nos États de faire face à la pandémie liée à la Covid-19, de financer leurs projets de relance et leurs ambitieux programmes de développement. Cette dynamique devrait se poursuivre tout en prenant soin de renforcer la synergie qui existe déjà entre les différents acteurs du marché.  

 

Votre mot de la fin pour nos lecteurs ?

Nous réitérerons toute notre gratitude à l’endroit des plus hautes autorités de l’UEMOA pour la confiance et le fort soutien dont bénéficie la BOAD. Je voudrais également rassurer la population de chaque pays de l’Union de notre détermination à œuvrer sans relâche pour l’amélioration continue de leurs conditions de vie. A cet effet, et dans le cadre de la mise en œuvre du Plan « Djoliba », nous veillerons pour le quinquennat en cours (2021-2025) à renforcer l’impact et la qualité de nos investissements afin qu’ils contribuent davantage à la création d’emplois et de revenus.

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