Date de publication : mercredi, Mai 15

Avis d’expert – Fabien Cohovi HOUNYOVI, Co-fondateur et Administrateur Directeur Général de la Société United Capital for Africa (SGI UCA Bénin)

Commentaires

Entretien avec Fabien Cohovi HOUNYOVI, Co-fondateur et Administrateur Directeur Général de la SGI UCA BENIN. Il partage son analyse faite du Marché des Titres Publics durant les 10 années d’activité de UMOA-Titres et ses attentes vis-à-vis de l’Institution.

Comment appréciez-vous l’évolution du Marché des Titres Publics depuis sa création ?

Avant tout propos, permettez-moi de saluer et remercier tous les acteurs à divers niveaux, qui ont travaillé d’arrache-pied et ce, depuis des années pour que ce marché devienne effectif dans la version que nous lui connaissons actuellement. La mise en place du Marché des Titres publics est une très belle initiative de nos gouvernements. Une initiative qui est venue à point nommé, pour permettre aux États-émetteurs de notre sous-région de créer les conditions favorables à la mobilisation des ressources internes saines, et par la même occasion, de permettre aux investisseurs particuliers et institutionnels, d’apporter leurs contributions à la réalisation des différents projets de développement de nos nations. Jusqu’au début des années 2000, les besoins de financement des États membres de l’UEMOA étaient principalement couverts par le recours aux ressources extérieures et les concours monétaires directs de la BCEAO. Face aux ambitions de développement des États membres de l’Union et aux exigences relatives aux respects des critères de convergence économique, il était impérieux de réfléchir à la mise en place d’un nouveau mode de financement. Celui-ci permettrait, à terme la mobilisation des ressources internes en complément des sources de financement préexistantes, de moderniser la gestion de la dette publique, d’offrir aux épargnants et aux investisseurs institutionnels de l’Union, des supports de placement diversifiés, tout en permettant à la politique monétaire de disposer de la flexibilité nécessaire, pour une plus grande efficacité dans l’utilisation des instruments de régulation. Autrefois placé sous la gestion directe de la BCEAO, la mise en place du Marché des Titres Publics a été un élément catalyseur dans la mobilisation des ressources internes au sein de l’espace UEMOA. En effet, de 2001 à 2013, le montant total mobilisé par le biais des émissions par adjudication est passé de 55 milliards de FCFA à 2.272 milliards de FCFA. Il faut dire que ce marché s’est davantage modernisé avec la création de UMOA-Titres en 2013 et sa visibilité a été améliorée avec notamment la mise en place des Rencontres du Marché des Titres Publics (REMTP) dès 2019. Entre 2013 et fin 2022, le montant total mobilisé par le biais des émissions sur ce marché est passé de 2.272 milliards de FCFA à 5.255 milliards de FCFA après avoir atteint 3.420 milliards de FCFA en 2019. Soit une progression de près de 131%. Le Marché des Titres Publics se présente aujourd’hui comme le moyen privilégié pour la couverture des besoins de financement des États de l’union et une solution alternative de premier plan face aux conditions de plus en plus exigeantes que subissent nos gouvernements à travers des émissions d’eurobonds sur les marchés internationaux.

Comment appréciez-vous le rôle des SGI sur ce marché ?

L’évolution du rôle des SGI sur le Marché des Titres Publics est beaucoup appréciée par les acteurs. Outre les premiers acteurs du Marché des Titres Publics que sont les institutions bancaires et établissements financiers à caractère bancaire, les Sociétés de Gestion et d’Intermédiation en tant que second groupe d’acteurs de ce marché ont à charge la gestion des actifs financiers pour compte de tiers (particuliers comme entreprises). Elles sont devenues avec le temps, des acteurs majeurs et principaux animateurs des marchés financier et monétaire de l’UMOA. Notre rôle aujourd’hui au sein du Marché des Titres Publics consiste à accompagner les Trésors publics nationaux, dans la mobilisation de ressources internes saines à travers l’élargissement de la base des investisseurs (Personnes physiques, ménages ou société). L’intermédiation de proximité des SGI à l’endroit du public investisseurs s’est avéré être un élément déterminant dans le processus de démocratisation des titres publics au seins de l’espace UEMOA. Nous profitons de l’occasion pour exhorter nos confrères des autres SGI à mettre en place les diligences nécessaires en vue de l’acquisition de la plateforme SAGETIL qui est un outil essentiel dans la perspective d’une vulgarisation des titres publics.

En tant que SGI, quelles sont vos attentes vis-à-vis de UMOA-Titres ?

Au titre des attentes que nous avons vis-à-vis de UMOA-Titres en tant qu’acteur du MTP, nous souhaitons voir UMOA-Titres : mettre le Marché des Titres Publics de l’UMOA aux normes internationales pour favoriser son accès à tout type d’investisseur ; assurer la visibilité du MTP par la diffusion des informations du marché sur les plateformes internationales d’informations financières telles que Bloomberg, Reuters ; assurer aux différents acteurs du marché l’accès en temps réel aux informations nécessaires à la prise de décision ; inciter les États-émetteurs à procéder systématiquement à la mise à jour des indicateurs macroéconomiques et budgétaires susceptibles d’impacter en temps réel la tendance du marché ; renforcer la coordination des interventions des États à l’échelle régionale ; renforcer l’expertise et la diffusion de la culture financière nécessaires au développement du Marché des Titres Publics ; favoriser la création d’un marché secondaire en vue de dynamiser les échanges entre les acteurs et assurer la liquidé des titres publics.

Comment l’évolution de l’environnement économique mondial et au niveau de la sous-région impacte-t-elle aujourd’hui votre activité en matière de financement souverain ?

Les effets combinés de la crise russo-ukrainienne, du déficit céréalier de la campagne 2021/2022 et de la persistance de la crise sécuritaire se sont traduits par une hausse des prix des produits alimentaires et de l’énergie sur les marchés mondiaux. Le taux d’inflation annuel moyen est ressorti à 7,4% en 2022 contre 3,6% en 2021 (source BCEAO). Cette situation a profondément agi sur le comportement des investisseurs et sur les décisions d’orientation des ressources des investisseurs. Ce qui a eu un impact négatif sur notre activité en matière de financement souverain. Nous espérons que les politiques monétaires de la banque centrale et les actions conjuguées de nos gouvernements porteront assez rapidement les fruits escomptés en vue d’une reprise économique rapide.

Qu’est ce qui, selon vous, peut expliquer la baisse du taux de participation des investisseurs ?

L’environnement économique mondial et sous-régional, comme nous avons décrit précédemment, a un impact négatif sur les ressources des investisseurs qui sont plus prudents. C’est aussi l’insuffisance de communication bien orientée pour capter les investisseurs potentiels. A cela nous pourrions ajouter l’absence de synergie entre les acteurs (Banques, Assureurs, SGI et SGO) pour une meilleure distribution des produits. Enfin de compte, c’est une situation qui relance inévitablement la question relative à la diversification de la base des investisseurs sur notre marché. Les titres publics émis sur le MTP sont détenus à plus de 94% par les banques commerciales de notre espace UMOA. Cette baisse des taux de participations pourrait s’expliquer en grande partie par la pression subit par les banques commerciales dans la gestion de leurs liquidités, du fait de la réduction du montant des refinancements hebdomadaire et de la hausse des taux directeurs par la banque centrale.

Quelles actions entreprenez-vous pour accompagner la diversification de la base des investisseurs au niveau du marché régional ?

La SGI UCA dans son programme annuel a mis en place certaines actions pour accompagner la diversification de sa base d’investisseurs à travers : l’ouverture de compte-titres par le plus grand nombre de personnes avec des propositions de produits financiers, procurant de meilleurs rendements avec la confiance d’une garantie certaines des comptes et des avoirs, quels que soient les risques. Cette opération est dénommée : « A chacun son compte titres»; l’organisation des formations sur la culture financière à l’endroit des étudiants des universités publique et privée de Cotonou; le UCA INVESTMENT HOUR : un creuset d’échange avec les PME/PMI sur les opportunités des marchés financier et monétaire; l’organisation des campagnes de sensibilisation à l’endroit du grand public; l’organisation des séances de COACHING-FORMATION pour les responsables de startups; l’intensification des communications via les réseaux sociaux ; une interconnexion entre la SGI UCA et ses clients par le biais des émetteurs de monnaie électronique (EME) est en cours de mise en œuvre. Elle consistera à la mise en place d’un système de dépôt-retrait de fonds via les EME comme levier pour drainer l’épargne vers les produits financiers tout en respectant les dispositions prévues par la règlementation.

Comment faire, selon vous, pour augmenter le taux de mobilisation de l’épargne dans l’espace ?

Lors des dernières Rencontres du Marché des Titres Publics (REMTP), plusieurs pistes de réflexions ont été développées et qui restent toujours d’actualités. Ainsi, une augmentation du taux de mobilisation de l’épargne dans notre espace est possible avec les actions ci-après : amener les États-émetteurs à privilégier la mobilisation des ressources sur les marchés locaux, tout en prenant les mesures idoines en vue d’impliquer tous les acteurs de l’écosystème ; favoriser le développement de nouveaux cadres institutionnels de collecte d’épargne, par exemple motiver toutes les SGI à s’abonner à l’accès direct aux adjudications par SAGETIL en vue de permettre aux autres métiers des finances (assureurs, SGO) de pouvoir souscrire plus rapidement aux titres publics par des ordres directs adressés à leurs SGI partenaires ; inciter les États-émetteurs à mettre en place les conditions favorables à la création de produits d’épargne innovant sur supports spécifiques tels que les livrets A ; les Plans Epargne Logement, les Livrets Jeunes ; comme nous l’avions dit plus haut dans le pro- gramme de la SGI, qui peut être élargi vers tous les autres acteurs c’est d’envisager des pistes de collaboration entre les fintechs, les émetteurs de monnaies électroniques (EME) et les acteurs traditionnels (Banques, SGI, SGO, Compagnie d’Assurance) en vue de drainer plus d’épargne ; Déceler les pistes d’innovation pour l’offre des produits financiers actuels pour une vulgarisation des produits auprès du plus grand nombre d’investisseurs employés et employeurs des entreprises (grande, petite et individuelle).

Quel MTP vous entrevoyez pour les 5 voire 10 prochaines années ?

En tant qu’acteur du MTP, nous aspirons à : un marché profond et liquide accessible à tous; un marché qui a l’adhésion d’autres investisseurs institutionnels autres que les banques ; un marché dont les conditions d’accès des investisseurs internationaux sont plus allégées; par exemple les conditions de rapatriement des fonds investis sur les titres publics par les investisseurs internationaux ; l’organisation d’un marché secondaire liquide ; la création de nouveaux produits tels que : les obligations à taux variable, les obligations à zéro-coupon, les obligations à taux révisable, et les produits dérivés (FUTURES, SWAPS ET OPTIONS) sur taux.

Quelles sont vos impressions sur les 4 dernières éditions des REMTP que UMOA-Titres a organisées ?

Nous gardons une bonne impression des éditions passées. En effet, les REMTP ont donné plus de visibilité aux divers acteurs du marché. Ces rencontres ont permis d’identifier de nouvelles pistes de réflexions pour faciliter l’accès au marché au plus grand nombre de concitoyens de notre sous-région. Elles ont permis entre autres de créer un partenariat gagnant-gagnant avec les autres marchés de l’Afrique et d’en tirer des pistes de coopération entre le MTP et le marché financier de l’UMOA au profit des investisseurs.

 

Autres articles

0 commentaires

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *