Date de publication : lundi, Juil 18

Entretien avec M. Roland YAGO, Chief Executive Officer de Africa Global Ratings

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Retrouvez dans le 7ème numéro de LA TENDANCE, un entretien avec le Chief Executive Officer de Africa Global Ratings, M. Roland YAGO, qui revient sur l’importance de la notation financière des Etats de l’Union en monnaie locale.

La notation financière est devenue un instrument essentiel pour résoudre la question de l’asymétrie d’information sur le marché de la dette ; elle donne une meilleure visibilité sur la solvabilité des Etats émetteurs et permet aux investisseurs de prendre les meilleures décisions. Il s’agira aussi de mettre en lumière les enjeux liés à la notation financière ; mettre un focus sur les agences de notation opérant dans l’UEMOA. Expliquer pourquoi c’est important pour les Etats de se faire noter en monnaie locale ; quel rôle pour UMOA-Titres dans le processus de notation financière ?

La notation financière est devenue un instrument essentiel de l’architecture financière de l’Afrique. Les notations sont des opinions des agences de notation sur la probabilité relative de défaut, c’est-à-dire que les dettes (capital et intérêts) ne sont pas payées dans leur intégralité à l’échéance. Ainsi, une agence de notation juge qu’une entité, ou une obligation, notée « AA » présente un risque de défaut plus faible qu’une entité, ou une obligation, classée « BBB », qui est considérée à son tour comme présentant un risque modéré qu’une entité, ou une obligation, notée « BB ».

Les méthodologies utilisées varient selon le type d’obligations ou d’entités notées. Toutefois, les notes sont comparables entre les types d’entités et de classes d’actifs. Ainsi, un souverain noté « BB » est jugé comme ayant un risque de défaut plus élevé qu’une banque, un dérivé ou une société notée « BB+ », à titre d’exemple.

C’est à partir de 2003 que les pays africains ont reçu les premières notations dans le cadre de l’initiative de notation du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement). En septembre 2003, le Ghana est devenu le premier pays à bénéficier de l’initiative et s’est vu attribuer une note de crédit souverain à long terme en devises « B+ ». En novembre 2003, le Cameroun a reçu une notation de crédit souverain « B » à long terme et « B » à court terme et, en décembre 2003, le Bénin s’est vu attribuer une notation de crédit souverain « B+ » à long terme et « B » à long terme.

D’autres pays d’Afrique subsaharienne, dont le Burkina Faso « B », en mars 2004, le Kenya « B+ » en septembre 2006, Madagascar, le Mali et le Mozambique « B » en Juillet 2003, ont reçu leurs premières notations.

Comparaison

La comparaison des notations est une partie importante de leur attrait pour les acteurs des marchés financiers régionaux. Pour les investisseurs, ils sont un outil, parmi d’autres, à utiliser pour les choix de portefeuilles des obligations et autres titres à revenus fixes. Les notes expriment des avis indépendants sur la solvabilité, en utilisant une terminologie commune, qui peut aider les investisseurs à prendre des décisions de placement mieux informées.

Les notes jouent aussi un rôle utile pour les entités notées. Comme l’a observé le Fonds Monétaire International (FMI), elles permettent aux emprunteurs d’accéder aux marchés mondiaux et nationaux et d’attirer les fonds d’investissement, ajoutant ainsi de la liquidité sur les marchés qui, autrement, ne seraient pas liquides. Les notes aident donc les entreprises et les gouvernements à lever des fonds directement sur les marchés de capitaux régionaux par l’émission de dette, au lieu de chercher à emprunter auprès d’une banque ou d’un bailleur de fonds, par exemple.

Depuis une dizaine d’années, il est devenu habituel pour les agences de notation d’ajouter à la note attribuée à la dette en devises des emprunteurs souverains une autre pour celle en monnaie nationale. La seconde notation est souvent plus élevée, ces emprunteurs apparaissant plus capables et désireux d’assurer le service d’une dette libellée dans leur propre monnaie. Cependant, l’écart n’est ni systématique ni uniforme.

Ces différences sont sans doute appelées à avoir des implications de plus en plus importantes pour l’évolution des marchés financiers mondiaux. De nombreux gouvernements entendent, en effet, développer un marché obligataire dans leur propre monnaie et réduire ainsi la dépendance envers les entrées de capitaux étrangers. Les politiques de notation, qui dissocient dette en devises et en monnaie nationale ou régionale, vont sans doute les conforter dans cette intention, car elles influent sur l’opinion des investisseurs et sur la formation des prix du marché. Ces écarts peuvent également jouer un rôle dans une sphère réglementaire qui accorde une place croissante aux notations.

Cette étude commence par un historique de ces deux formes de notation. Celle qui concerne les obligations en monnaie nationale ou régionale est généralement plus récente, du fait de la relative jeunesse des marchés sur lesquels s’échangent ces titres. Sont examinées ensuite la fréquence et l’importance de cette majoration des notations en monnaie locale. L’analyse fait apparaître des différences, non seulement entre emprunteurs mais, ce qui est surprenant, entre les agences elles-mêmes ; il semble donc qu’elles soient davantage en désaccord sur l’évaluation du risque des obligations en monnaie nationale ou régionale.

Essor des notations en monnaie nationale ou régionale et en devises

La notation de la dette souveraine est une activité en plein essor. En 1985, seuls 17 pays s’étaient vu décerner, par des agences spécialisées, une note pour leurs emprunts sur les marchés internationaux. La plupart d’entre eux avaient reçu un triple A ; les émetteurs à l’assise financière moins solide préféraient alors se financer auprès des banques ou par placement privé. Cependant, depuis quelques années, les signatures de moindre qualité font de plus en plus appel aux marchés obligataires.

Initialement, la plupart de ces notations s’appliquaient à la dette contractée en devises, les emprunteurs souverains ne semblant guère ressentir le besoin de faire évaluer les émissions dans leur propre monnaie. Aujourd’hui, le pourcentage des signatures également notées pour leur dette en monnaie nationale ou régionale a cependant augmenté, ce qui tient probablement aux efforts accomplis pour favoriser l’investissement dans ce type d’emprunts. Du fait, de l’essor rapide de ce second segment, les emprunteurs souverains sont maintenant pratiquement aussi nombreux à être notés sur leur dette en monnaie nationale ou régionale qu’en devises.

L’augmentation de la demande de notations en monnaie nationale ou régionale présente un parallélisme frappant avec l’évolution antérieure de celles sur la dette en devises : là aussi sont peu à peu apparues des signatures de moindre qualité. Si, dans un premier temps, cette demande provenait principalement d’emprunteurs classés triple A, on a observé ensuite une progression régulière des émetteurs de second rang. Depuis 2001, la note médiane est BB et se situe donc en deçà de la bonne qualité.

Dans la plupart des cas, les principes réglementaires qui régissent les notations des agences ne font guère de distinction entre les créances en devises et en monnaie nationale ou régionale. Les exceptions jouent en faveur des notations et/ou des créances liées à la monnaie de l’emprunteur. Ainsi, en application de l’approche standardisée du Nouvel accord de Bâle sur les fonds propres, pour les expositions en devises envers des banques multilatérales de développement dont les risques de convertibilité et de cession sont  considérés comme effectivement atténués par les autorités de contrôle nationales ou régionales , il est possible de procéder à la pondération du risque à partir de la notation de la dette en monnaie nationale  ou régionale au lieu de celle sur les créances en devises.

Les agences attribuent fréquemment une notation plus élevée aux obligations souveraines en monnaie nationale ou régionale qu’à celles en devises

Cette différence se justifie habituellement par l’aptitude des États à taxer les avoirs en monnaie nationale ou régionale et à décider de leur affectation, ce qui semble souvent moins le cas pour ceux en devises. En outre, alors que l’emprunteur souverain doit se procurer des devises pour rembourser les dettes ainsi contractées, il peut recourir à la création monétaire pour honorer les engagements dans sa propre monnaie.

Dans cette logique, si des contraintes limitent la capacité à battre monnaie, un écart de notation est moins justifié. Les États qui utilisent la monnaie d’un pays étranger, comme le Panama ou le Salvador, en sont la meilleure illustration. Plus généralement, les coûts politiques significatifs qui accompagnent souvent une inflation élevée devraient jouer contre l’argument de la planche à billets pour l’attribution de fortes notations à la dette en monnaie nationale ou régionale.

Une autre exception est plausible : lorsque les émissions en devises sont modestes par rapport à l’encours total d’une dette souveraine. D’ailleurs, l’un des principes sous-jacents de cette analyse veut que le risque souverain dépende toujours de deux facteurs : la volonté ainsi que la capacité de payer. S’il s’agit d’un montant relativement faible, on peut penser que l’émetteur consentira un effort supplémentaire pour éviter un défaut sur ses obligations en devises. En fait, c’est probablement parce que l’encours des émissions internationales des économies émergentes au début des années 80 n’était guère élevé que, malgré de nombreux programmes de restructuration de prêts bancaires, les défauts à cet égard ont été assez limités.

Un autre facteur, purement technique, influence l’amplitude de l’écart : dans la typologie des agences, il n’existe pas de note supérieure au triple A (AAA ou Aaaa.). Il est donc impossible de constater l’éventuelle amélioration dont pourrait bénéficier un crédit en devises déjà noté A+ s’il était libellé en monnaie nationale ou régionale. De même, la marge de progression est seulement d’un cran pour les pays notés AA+, et ainsi de suite. L’écart devrait donc s’amplifier et être plus fréquent à mesure que l’on descend dans la grille des notes, ce qui est d’ailleurs généralement le cas. Par ailleurs, c’est dans la catégorie intermédiaire (BBB) que l’amplitude est maximale. Les obligations en monnaie nationale ou régionale s’inscrivent au moins deux crans plus haut que celles en devises. En revanche, l’avantage relatif des titres en monnaie nationale ou régionale est nettement inférieur pour les pays situés en dessous du seuil délimitant la bonne qualité. Cette courbe en cloche se retrouve également dans la répartition des notations des autres agences. La raison de ce phénomène n’apparaît pas d’emblée. Si les différences s’expliquaient d’une quelconque manière par la demande des émetteurs pour une notation de qualité pour leurs obligations nationales ou régionale, on pourrait s’attendre à des écarts plus importants au niveau BB (devises), mais il n’en est rien. Les pays moins bien notés encourent des risques, tels que fortes tensions sociales et politiques, qui les empêcheraient de continuer à assurer le service de leur dette en monnaie nationale ou régionale en cas de défaut sur celle en devises.

Dans le meilleur des mondes, il serait possible de voir si les statistiques de défauts confirment la réputation de plus grande sûreté que l’on prête souvent à la dette en monnaie nationale ou régionale notée. Cependant, les cas recensés sont peu nombreux et les notations d’emprunteurs souverains ne se sont généralisées qu’à la fin des années 80. Dans le cas de la Zambie, du Mozambique, et du Sri Lanka, le défaut a porté sur la dette en devises.

Il existe des divergences étonnamment marquées entre agences de notation au sujet de la fréquence et de l’amplitude des écarts en faveur des obligations en monnaie nationale ou régionale. La raison invoquée est chaque fois identique : un encours de dette en devises relativement faible par rapport aux réserves de change.

Le désaccord sur la notation de la dette en monnaie nationale ou régionale peut valoir également pour la hiérarchisation des risques. Puisque les agences soutiennent que les notations devraient être interprétées comme des mesures du risque relatif de défaut, le coefficient de corrélation de rang permet sans doute de mieux déterminer leur degré de consensus.

En zone UMOA, UMOA-Titres coordonne et pilote le processus de notation financière en monnaie régional des Etats membres de l’UMOA. L’Institution entend asseoir l’importance du Marché des Titres Publics dans le financement des Etats de la zone mais également contribuer au développement de ce marché face aux enjeux liés à la transparence et à l’information disponible sur les émetteurs.

Encore relativement récentes, les notations en monnaie nationale ou régionale vont gagner en importance avec le développement des marchés obligataires régionaux. De fait, bien des décideurs estiment que ces marchés peuvent constituer une protection contre la volatilité des placements en devises et qu’il faut donc en favoriser l’expansion. Un certain nombre d’initiatives régionales entendent capitaliser sur ce consensus. Sachant que les emprunteurs souverains peuvent généralement taxer leurs agents économiques afin d’honorer leurs obligations en monnaie nationale ou régionale, plus fondamentalement encore, recourir à la création monétaire, les agences de notation sont souvent assez favorables aux titres en monnaie nationale ou régionale. Cette préférence peut encourager le développement des marchés obligataires locaux, à la fois en incitant les intervenants à mieux accepter les emprunts en monnaie nationale ou régionale et en abaissant les exigences de fonds propres réglementaires dans la mesure où elles sont conditionnées par la notation. Les écarts entre notations en devises et en monnaie nationale ou régionale sont loin d’être uniformes entre les agences, avec souvent des différences étonnantes : l’une d’elles confère généralement moins d’importance au libellé des émissions et attribue même parfois une note supérieure à celles en devises. Compte tenu de l’évolution des marchés mondiaux des capitaux et de la rareté relative des défauts d’emprunteurs souverains à ce jour, cette diversité est, dans une certaine mesure, naturelle et même bienvenue. Cependant, elle peut aussi traduire une incertitude accrue au sujet de la distinction à faire entre titres en monnaie locale et en devises. De plus amples recherches utilisant les données de marché pourraient permettre de mieux appréhender le prix que les investisseurs attribuent à cette incertitude en termes de taux d’intérêt.

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