Retrouvez dans le 5ème numéro de LA TENDANCE qui va à la découverte des investisseurs institutionnels de la zone UEMOA, une interview accordée par le Président Directeur Général du GROUPE SUNU, dans laquelle il analyse l’apport des compagnies d’assurance à la mobilisation des ressources financières nécessaires à la mise en œuvre des plans de relance économique post COVID-19 des pays de l’espace communautaire.
Le monde est confronté à une pandémie historique avec des conséquences dévastatrices sur les populations et les économies de nos pays. Dans ce contexte, nous souhaitons savoir naturellement, comment se porte le secteur de l’assurance en général et plus particulièrement en Afrique et au sein de l’espace UEMOA ?
La pandémie de la COVID -19 a entraîné une perturbation dans l’ensemble des économies de la planète mais à des degrés divers. Les institutions internationales considèrent qu’il est un peu tôt pour en mesurer toutes les conséquences. Certaines économies comme la Chine et les Etats-Unis montrent des résiliences plus prononcées que d’autres. Dans les pays industrialisés, les garanties d’assurances pour pertes d’exploitation à la suite des confinements ont fait l’objet de sérieux contentieux.
En Afrique, les économies sont clairement plus affectées. Les taux de croissance économique ont enregistré des baisses vertigineuses (Côte d’Ivoire, Sénégal, Nigéria, Ghana…) mais elles ne se sont pas effondrées.
Le secteur des assurances a su résister car les assureurs sont confrontés à moins de problèmes. Dans la zone UEMOA, les chiffres d’affaires n’ont pas chuté et la sinistralité est contenue, même si notre Fédération des sociétés d’Assurances, la FANAF, n’a pas encore tous les chiffres de l’exercice clos le 31 décembre 2020.
En Côte d’Ivoire, marché leader de la zone CIMA, malgré la pandémie de la COVID -19, le taux de croissance du chiffre d’affaires du marché assurances en 2020 est de 6% dont 8,6% pour les branches Vie et 4% pour les branches Non Vie pour un montant global de 415 milliards de FCFA dont 232 milliards (56%) pour les branches Dommages et 183 milliards (44%) pour la branche Vie. En 2019, le marché ivoirien gérait 895 Milliards F CFA d’actifs dont un peu plus de 200 milliards F CFA était placé en Valeurs d’Etat.
Face à cette pandémie, beaucoup d’Etats de la zone UEMOA ont élaboré des plans de relance économique qui nécessitent la levée sur le Marché des Titres Publics, d’importantes ressources financières. Comment appréhendez-vous l’apport du secteur de l’assurance et plus particulièrement la contribution du Groupe SUNU dans le cadre de la mobilisation des dites ressources ?
En effet, les Etats de la zone UEMOA ont mis sur pied d’ambitieux plans de relance. La Côte d’Ivoire et le Sénégal, pays locomotives de la zone, ont donné l’exemple. Ces deux pays connaissaient des taux de croissance avoisinant les 8% et se devaient de soutenir fortement leurs économies. La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a également pris des mesures d’accompagnement avec une politique accommodante de taux d’intérêt. Le secteur des Assurances continue de jouer son rôle dans le financement de nos économies mais nous ne disposons pas de moyens considérables, eu égard à la faible couverture d’assurance dans nos pays.
Dans le secteur bancaire, la BCEAO est intervenue dès les premières heures de la pandémie pour accompagner au mieux les acteurs économiques et les préserver d’une crise significative de liquidité grâce à des reports d’échéances de remboursements, des ouvertures de lignes de financement additionnel etc.
Au niveau de l’assurance, le Groupe SUNU a participé dans tous ses pays de présence à la contribution des associations professionnelles dans la fourniture de moyens de protection du personnel de santé (masques, gels liquides, gants…), mais il a également procédé à des achats directs de matériels de protection mis à la disposition des pouvoirs publics.
Les Assureurs ont également pris des dispositions tarifaires visant à la réduction des primes en raison du confinement du fait de la baisse des accidents de la circulation et de la réduction des activités économiques.
Le Code CIMA oblige les compagnies d’assurance à détenir en représentation des engagements réglementés au minimum 15% des obligations d’Etat du montant total des engagements. Qu’est ce qui explique selon vous, la difficulté à atteindre ce minima, malgré les possibilités existantes sur la liquidité des dits titres (divers contrats de liquidité auprès des banques) ?
Je dirais plutôt que le code CIMA autorise les sociétés d’assurances à détenir des obligations d’Etat mais avec des limitations qui sont complétées par une règle de dispersion entre les obligations, les actions, l’immobilier et les autres prêts. Et comme vous le savez, l’assureur doit veiller à ce que ses placements soient sûrs, liquides et rentables. Le fait que dans l’UEMOA, il n’y ait pas d’égalité de traitement fiscal entre les résidents et les non-résidents freine la souscription de ce type de papier. De plus, le marché secondaire n’est pas très développé, malgré les contrats de liquidité dont vous parlez.
Aujourd’hui, un peu plus de 90% de l’encours des titres publics émis par adjudication est détenu par les banques. Quelles sont les réformes qui vous semblent fondamentales pour accroître la participation des investisseurs institutionnels et plus particulièrement des compagnies d’assurance et des fonds de pension sur le Marché local des Titres Publics ?
Les règles de dispersion et de limitation ne concernent pas les banques qui ne sont pas des investisseurs institutionnels. Par ailleurs, la situation que vous décrivez est la parfaite illustration du mal dont souffrent les économies de l’UEMOA. Tout ce que les banques consacrent à l’achat de titres publics ne va pas au financement du secteur privé.
Il n’est pas nécessaire d’introduire de nouvelles réformes, il suffit de mettre des règles de limitation et d’améliorer des taux servis, surtout au niveau des bons du Trésor.
Les investisseurs institutionnels que nous sommes sont friands des emprunts obligataires car les taux d’intérêt proposés nous permettent de satisfaire nos engagements contractuels envers les épargnants et les bénéficiaires de contrats.
En ce qui concerne les bons du Trésor, c’est la variabilité des taux d’intérêt et le process de soumission qui représentent des lourdeurs de notre point de vue.
L’UMOA-Titres est une structure dynamique qui fait un travail remarquable mais les banques restent les premières bénéficiaires. Nous sommes conscients que UMOA-Titres traduit la volonté exprimée par chaque direction du Trésor public du pays émetteur.
Un défi que rencontre le Marché des Titres Publics est le développement du marché secondaire et son corollaire lié à la distribution des titres publics. Le groupe SUNU prévoit-il de faire de la gestion d’actifs, un axe de développement à l’instar de AXA IM ?
Il serait présomptueux de notre part d’imiter AXA IM. L’environnement n’est pas le même, la gamme d’actifs dont dispose AXA IM sur son marché et sur les marchés financiers internationaux n’est en rien comparable avec ce qui se passe chez nous. D’abord, parce qu’il nous est interdit de faire des placements hors des marchés de la zone CIMA, même sur d’autres marchés financiers africains sauf si tous nos engagements réglementés sont couverts avec des investissements financiers de notre zone.
Le Groupe SUNU a dans ses projets la création d’une structure d’Asset Management mais nous prendrons le temps nécessaire pour le faire.
Avez-vous des recommandations à formuler, au regard des innovations technologiques, pour une meilleure collecte de l’épargne par les compagnies d’assurance et par ricochet, une participation plus forte des assureurs aux émissions de titres publics ?
Encore une fois, nous ne pouvons placer l’épargne institutionnelle en quantité dépassant ce que notre régulateur autorise. Ce que nous attendons c’est qu’il y ait plus d’instruments financiers sur les places financières de l’UEMOA et de la CEMAC. Notre groupe est également sur bien d’autres marchés : Nigeria, Ghana, RDC, Guinée.
Ces trente dernières années, il y a des progrès notables et les choses continuent d’aller dans le bon sens avec les avancées technologiques. Nous avons foi dans l’avenir de notre continent.
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