Retrouvez dans le 6ème numéro de LA TENDANCE qui revient sur l’efficience du Marché des Titres Publics, une interview accordée par le Directeur du cabinet ECBN PARTNERS, dans laquelle il analyse les besoins de ressources à mobiliser pour financer les phases de résilience et de reprise post COVID-19 ainsi que les maturités observées actuellement sur le MTP.
La zone UEMOA : une région dynamique et résiliente
La région UEMOA a réalisé une croissance moyenne supérieure à 6,00% sur les cinq (05) dernières années pré COVID-19. Cette croissance économique est d’autant plus remarquable qu’elle a été réalisée dans un contexte politique et sécuritaire régional dégradé, et également dans un contexte d’incertitude entourant les perspectives économiques mondiales. Ces performances économiques pré COVID-19 montrent les capacités économiques encore largement sous exploitées et sous-estimées de la zone.
En 2020, dans un contexte de crise économique liée à la pandémie de la COVID-19, la zone UEMOA afficherait un taux de croissance de 1,8 % contre une projection initiale de 6,6%. Cette contreperformance serait, comme pour les autres régions du monde, imputable aux effets négatifs de la crise sanitaire sur les économies des États de l’Union.
En effet, le ralentissement économique dans un contexte de COVID-19 a causé : (i) un rationnement du crédit pour les entreprises notamment les PME et un renchérissement du coût de financement, (ii) une perte d’activité, des emplois menacés et de la valeur ajoutée détruite au niveau de tous les secteurs économiques clefs et (iii) un recul significatif de la croissance du PIB aggravé par la diminution des transferts de la diaspora (diminution estimée à 1,5% du PIB sénégalais).
Les interventions des États membres de l’UEMOA pour la résilience économique de la zone
La pandémie a occasionné des interventions massives des États de la zone pour d’abord stabiliser leurs économies respectives, puis assurer une protection sanitaire optimale aux populations. Les interventions des États de l’UEMOA ont entrainé une mobilisation importante de ressources financières pour limiter les conséquences négatives de la pandémie sur l’emploi et l’investissement. A ce titre, les Obligations de Relance (OdR) proposées par UMOA-Titres sur le Marché des Titres Publics (MTP) proposent des maturités meilleures que les obligations classiques.
Toutefois, la cinquième (5ème) vague de COVID-19 a démarré en Europe et qui pourrait être synonyme de quatrième (4ème) vague en Afrique, montre qu’il va falloir envisager de vivre avec les restrictions sanitaires et ses conséquences économiques sur le long terme.
Les OdR en tant qu’instrument pour financer les plans de relance économique de l’UEMOA
Les OdR malgré leur avancée en tant qu’instrument de relance devraient aller plus loin en termes de maturité, de prime de risque et surtout de classification.
- La maturité : la durée moyenne des OdR des États de l’Union oscille entre 3 ans et 7ans. Ce niveau de maturité pourrait être très court pour financer les deux premières phases d’une relance économique, dans un contexte de COVID-19, qui sont les phases de résilience et de reprise. L’allongement de la maturité des OdR est d’autant plus nécessaire que nous sommes toujours dans un contexte d’incertitude. A cet effet, les titres souverains restent les instruments d’investissements privilégiés. Ainsi, il existe un réel appétit des investisseurs pour les titres publics à longue maturité. En effet, la dernière OdR de l’État du Togo sur une maturité de 15 ans et sur un montant de 50 milliards FCFA a été sursouscrite avec un taux de couverture de 265%, un taux de rendement moyen pondéré à 6,22%. Le taux de couverture de l’OdR du Togo montre définitivement l’attrait des investisseurs sur les instruments à risque quasi nul qu’offre le MTP. Les caractéristiques des OdR du Togo sont un clin d’œil à la Côte d’Ivoire et au Sénégal, les deux locomotives de la région en termes de PIB. Ces deux pays pourraient raisonnablement envisager des OdR d’une maturité proche de 20 ans compte tenu de leur profil risque quasi nul et de leurs statuts de pays locomotives de l’UEMOA. Ainsi, au regard des besoins importants en ressources pour financer les phases de résilience et de reprise, il devient impérieux d’aller au-delà des maturités observées actuellement sur le MTP.
- La prime de risque : le taux de rendement moyen des OdR sur le MTP est de 6,41% sur une maturité de 7 ans et de 6,21% sur 5 ans. Le taux d’inflation observé sur la zone sur les cinq (05) dernières années pré COVID-19 a été en moyenne inférieur à 1%, soit une prime de risque de 5 points. Le niveau de prime sur le MTP traduit une asymétrie d’information énorme des investisseurs malgré les fondamentaux économiques solides de la région qui sont : (i) un taux de croissance moyen de 6% sur les cinq dernières années pré COVID-19, (ii) une croissance moyenne de 1,8% en 2020 dans un contexte de quasi arrêt des activités économiques mondiales pour cause de restriction sanitaire, (iii) un taux de croissance moyen attendu de 5,5% en 2021 dans un contexte de reprise économique encore timide compte tenu des incertitudes liées aux évolutions de la pandémie et autres mutations et (iv) un endettement maitrisé… Ainsi, la prime de risque semble onéreuse par rapport aux caractéristiques de la zone et au profil quasi nul sur le MTP. De ce constat, après la bataille de l’allongement de la maturité des OdR, la nouvelle bataille de UMOA-Titres devrait porter sur la réduction de l’asymétrie d’information et de la prime de risque sur le MTP. Les primes de risque basées sur de « pseudos » classement dans des rapports internationaux type Doing business semblent peu fiables.
- La classification des OdR : L’encours moyen de la dette publique totale rapporté au PIB est de 48,5% en 2020 contre 44,8% en 2019 soit une progression de 4 points. Les critères de convergence (en termes d’encours de la dette publique globale rapporté au PIB) fixe un plafond inférieur ou égal à 70%. Le contexte lié à la COVID-19 est marqué par une mobilisation de ressources importantes des États sur le MTP (« la Dette Covid ») pour soutenir les acteurs économiques et les populations impactées par la crise économique liée aux restrictions sanitaires. Ces ressources, mobilisées dans un contexte particulier pour assurer une stabilité économique, devraient être classées de manière distincte et exclues du calcul du ratio d’endettement des États. Cette proposition de traitement dérogatoire est motivée par le contexte spécifique dans lequel la Dette Covid a été levée pour assurer une résilience économique. Inclure la Dette Covid dans le calcul des ratios d’endettements pourrait induire à des conclusions ou analyses biaisées.
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